Les vergers traditionnels de Gerpinnes ont fait le bonheur de plusieurs générations de chapardeurs en culottes courtes. Aussi, c’est avec un brin de malice et de nostalgie que les anciens évoquent le temps où certaines prairies de l’entité étaient couvertes d’un vaste manteau d’arbres fruitiers. Ces prairies étaient alors le terrain de jeu des enfants du village… Tout jeunes, ils allaient « à maraude » et savaient où dénicher les meilleures pommes à croquer… Plus grands, ils comptaient fleurette à leur dulcinée sous la frondaison des cerisiers en fleurs… Les vergers traditionnels et la silhouette tortueuse des troncs qui les peuplent hantent nos vallons depuis des siècles. Ils habitent notre paysage et notre inconscient collectif. Aujourd’hui, hélas, cette partie de nous-mêmes est sur le point de disparaître… En 2011, T.N.G. a mis sur pied un vaste plan de sauvetage des vergers de l’entité appelé « Pomona », du nom de la déesse romaine des arbres fruitiers.
Qu’est-ce qu’un verger traditionnel ?
Le verger traditionnel est le type de verger que l’on trouvait dans nos campagnes au début du siècle dernier. Il est reconnaissable à plusieurs éléments caractéristiques qui l’opposent au verger industriel moderne. Voici six bons « trucs » pour le reconnaître:
- C’est un verger composé de grands arbres fruitiers (« hautes-tiges », greffe à 1,8 m du sol).
- On y trouve une grande diversité fruitière (pommes, cerises, prunes, noix, poires,…).
- Les fruits sont de variétés anciennes (Cwastresse, Belle-fleur, Reinettes,…)
- Les arbres fruitiers sont très espacés (entre 5 et 12 mètres).
- C’est un verger dans lequel du bétail pâture à la belle saison (logique de polyculture).
- Les fruits ne sont pas pulvérisés car la frondaison des arbres est trop haute.
A l’inverse, le verger industriel moderne est composé d’arbres fruitiers « basses-tiges », inventés durant l’entre-deux-guerres pour permettre leur pulvérisation et faciliter la cueillette. Le verger industriel se caractérise par une monoculture fruitière intensive avec des plants espacés à moins d’un mètre. Seules sont retenues des variétés commerciales, sélectionnées entre autres pour leur aspect extérieur et leur résistance au transport. Enfin, il arrive fréquemment que le verger moderne soit entouré par des filets pour empêcher les oiseaux de venir altérer la production.
Pourquoi protéger ce type de verger ?
Un patrimoine historique
Les cartes de Ferraris (réalisées entre 1771 et 1778) nous apprennent que les prés-vergers faisaient déjà partie intégrante de notre paysage dans la seconde moitié du 18ème siècle. Pour l’entité de Gerpinnes, la superficie couverte se chiffrait en dizaines d’hectares. Il est intéressant de constater que ces zones fruitières étaient principalement cantonnées aux entrées des patelins, elles décrivaient ainsi une espèce de couronne autour de nos villages. Les recensements que nous avons menés en 2011 avec l’asbl Les Bocages nous amènent à une conclusion étonnante : les vestiges de vergers qui subsistent encore aujourd’hui sont situés pour la plupart dans les mêmes zones qu’en 1778 !
Un patrimoine génétique
Depuis le Moyen Age, les jardiniers érudits – des moines pour beaucoup – ont planté, sélectionné, greffé patiemment les variétés qui s’adaptaient le mieux à nos terroirs. En observant minutieusement la nature, ils l’ont imitée et ont donné naissance à une diversité fruitière remarquable. Aujourd’hui, la logique intrinsèque de notre société de consommation et la standardisation des marchandises qui en découle tend à faire disparaître ce patrimoine exceptionnel. Or, chaque variété ancienne est unique : elle se singularise par un parfum, une texture, une couleur, un taux d’acidité, une durée de conservation,… qui n’appartient qu’à elle. Il ne tient qu’à nous de redécouvrir cet univers de goûts et de senteurs oubliés…
Un patrimoine écologique
Les anciens vergers constituent de véritables sanctuaires pour la biodiversité. Le bois mort qu’on y trouve et les cavités que présentent les vieux pommiers attirent certaines espèces menacées. Des oiseaux cavicoles tels que la chouette chevêche, le moineau friquet ou le rougequeue à front blanc peuvent y élire domicile. Certains coléoptères devenus rares comme la chevrette bleue ou la magnifique cétoine dorée y trouvent le bois mort indispensable à leur développement. Au printemps, la floraison abondante des arbres fruitiers fait le bonheur des abeilles et des papillons.
Un patrimoine économique
Les vergers traditionnels produisent des fruits sains et savoureux. Ces fruits peuvent être destinés à la consommation personnelle ou à la vente à petite échelle. Quand on sait qu’un pommier haute-tige à maturité peut produire jusqu’à 500 kg de fruits en une seule saison, on comprend mieux l’intérêt économique qu’il présente.
Comment agir ?
Le projet Pomona se scinde en différents volets :
- Le recensement du patrimoine subsistant
- La rencontre et la sensibilisation des propriétaires
- La mise sur pied de plans de gestion durables
- La valorisation des fruits par la création de produits de terroir
- La plantation de jeunes arbres fruitiers hautes-tiges
- L’étude et le suivi des vergers restaurés
Le Patrimoine gerpinnois
Pour visualiser le patrimoine fruitier gerpinnois, cliquez ici
Les réalisations de T.N.G.
Pour connaître les chantiers de plantation T.N.G., cliquez ici. Pour connaître les produits de terroir liés au projet « Pomona », cliquez ici.
La légende de Pomona
Dans la Rome antique, un culte était rendu aux divinités protectrices des vergers : Pomone et Vertumne. La légende raconte que Pomone, la déesse des fruits et des jardins, était de nature farouche et repoussait les élans amoureux de ses nombreux prétendants. Le plus ardent d’entre eux, Vertumne, dut utiliser la ruse pour approcher la belle. S’étant métamorphosé en laboureur, en moissonneur, et en vigneron, c’est finalement sous les traits flétris d’une vieille dame que le dieu réussit à aborder Pomone. Reçue dans le jardin de la nymphe, la vieille lui fit alors mille compliments sur son charme, sur la beauté de ses arbres et sur l’abondance de ses fruits. Elle distilla des mots sucrés dans le cœur de Pomone, s’émerveillant devant chaque tronc, admirant chaque fleur. C’était la première fois que Pomone rencontrait une personne sensible aux beautés subtiles de son jardin. Son âme en était bouleversée. C’est à ce moment que Vertumne reprit son apparence normale et prit tendrement Pomone dans ses bras. A partir de ce jour, les deux amants cultivèrent avec la même ferveur leur amour et leurs arbres fruitiers.